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Les insuffisances du barème de capitalisation ONIAM face à celui de la Gazette du Palais 2022

17 mars 2023

La Gazette du Palais a sorti son nouveau barème de capitalisation le 31 octobre 2022. Ce barème, intéressant mais pas exempt de critiques, met en lumière la faiblesse de l’autre barème de capitalisation : celui de l’ONIAM.

Pour mémoire un barème de capitalisation a pour objectif d’aider au calcul de sommes d’argent correspondant à différents postes de préjudice des victimes de préjudices corporels, pour le futur.

Après avoir calculé le montant du poste de préjudice (généralement la tierce personne, les frais de santé, etc.) pour une année, la capitalisation est utilisée afin d’extrapoler la dépense jusqu’à la fin de la vie de la victime.

En conséquence, l’indice de capitalisation, pour être au plus proche de la réalité et permettre ainsi l’indemnisation intégrale des préjudices des victimes, se doit de prendre en compte de nombreux facteurs comme l’espérance de vie, mais également de l’inflation et de nombreux autres critères socio-économiques.

La Gazette du Palais propose depuis de nombreuses années un barème de capitalisation qui est un outil incontournable des professionnels travaillant autour des victimes de préjudices corporels.

Parmi ces victimes, on compte de nombreuses victimes d’accidents médicaux auxquelles est opposée l’utilisation d’un autre barème et notamment celui de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), intégré dans son référentiel d’indemnisation.

A l’inverse du barème de la Gazette dont le taux d’actualisation est de 0% ou -1%, l’Office utilise un taux de 0,24% selon l’annexe 1 de l’arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l’application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale visant l’évaluation des pensions d’invalidité.

De la même façon, l’Office, toujours sous couvert de l’arrêté, se fonde sur le taux de mortalité de l’INSEE de 2013-2015, là où la Gazette utilise celui de 2017-2019.

Ainsi, ces deux barèmes sont si différents qu’ils creusent les inégalités entre les victimes se présentant devant le juge judiciaire et devant l’Office, conduisant les avocats de victimes à favoriser, quand cela est possible, la voix contentieuse.

Un exemple permet de saisir les différences et l’insuffisance du barème de capitalisation.

Pour une femme, consolidée à l’âge de 21 ans, dont on souhaite évaluer la valeur de la tierce personne temporaire de quatre heures par jour :

La Gazette prévoit un indice de 92,388 avec un taux à -1 et 64,221 avec un taux à 0, tandis que la valeur du référentiel 2022 de l’Office est de 42,597.

Ainsi dans un monde idéal où le taux horaire de la tierce personne serait le même devant les juridictions et l’Office, soit de 18 euros de l’heure, la différence serait la suivante :

Calcul de la valeur annuelle de la tierce personne à 18 euros sur 412 jours :
18 euros x 4 heures x 412 jours = 29 664 euros

Application de l’indice de capitalisation de la Gazette (taux d’actualisation de 0%) :
29 664 euros x 64,221 = 1 905 051,74 euros

Application de l’indice de capitalisation du référentiel de l’ONIAM :
29 664 euros x 42,597 = 1 263 597,41 euros

Soit une différence de 641 454,33 euros entre les victimes se présentant devant le juge et celles se présentant devant l’Office.

Cet écart s’accroit encore en l’absence de consensus sur l’évaluation du taux horaire de la tierce personne de 18 euros par le juge, où l’ONIAM l’évalue à 13 euros.

Calcul de la valeur annuelle de la tierce personne à 13 euros sur 412 jours :
13 euros x 4 heures x 412 jours = 21 424 euros

Application de l’indice de capitalisation du référentiel de l’ONIAM à la tierce personne à 13 euros :
21 424 euros x 42,597 = 912 598 euros

Soit une véritable différence de 992 454 euros entre les victimes se présentant devant le juge (capitalisation sur Gazette du Palais 2022, 18 euros de l’heure) et celles se présentant devant l’Office (capitalisation sur le barème ONIAM, 13 heures de l’heure).

L‘Office estime généralement que cet écart se justifie par la solidarité nationale qu’il représente, tout comme le principe des pensions d’invalidité en France.

Cependant, il est nécessaire de rappeler que l’ONIAM n’intervient au titre de la solidarité nationale que dans un seul cas, celui des accidents médicaux non fautifs.

Lorsque l’organisme décide de se substituer à un assureur, un producteur, un médecin ou un établissement fautif, il a la possibilité d’agir en substitution et d’obtenir le remboursement des sommes « avancées » aux victimes. Plus encore et compte tenu des agissements contre productifs des fautifs, l’ONIAM peut même obtenir leur condamnation pour une somme allant jusqu’à 50% du montant de l’indemnité versée.

En conséquence rien ne semble justifier l’écart entre les barèmes s’appliquant aux victimes de préjudices corporels et il parait urgent de réformer cette référence désuète de l’Office à l’arrêté de 2011.

Surtout que le nouveau barème de la Gazette présente lui aussi des imperfections que certains se proposent de réparer en utilisant des logiciels de capitalisation des rentes plus minutieux et adaptables à chaque victime (Christophe Quézel-Ambrunaz, [Point de vue…] Barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 : un barème à contre-temps, Le Quotidien, novembre 2022).