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Réflexions sur l’indemnisation du préjudice économique du conjoint survivant remarié (Cass. 2ème civ., 16 juin 2022, n°20-20.270) et des parents à la suite du décès de leur enfant (Cass. 1re civ., 7 oct. 2020, n°19-17.041, F-P + B)

16 février 2023

Dans un arrêt du 7 octobre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation vient confirmer que l’indemnisation du préjudice économique du conjoint survivant d’une personne décédée des suites d’un aléa thérapeutique ne peut être réduite en raison de son remariage.

En l’espèce, une femme décède à la suite d’une coronarographie. Son conjoint saisit alors la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux (CCI) qui impute le décès à la survenue d’un accident médical grave non fautif indemnisable au titre de la solidarité nationale. Après avoir refusé l’offre d’indemnisation amiable adressée par l’ONIAM, le conjoint survivant l’assigne en indemnisation.

L’indemnisation des préjudices consécutifs au décès de son épouse est mise à la charge de l’ONIAM sur le fondement de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique.

Cependant, l’ONIAM refuse d’indemniser le préjudice économique de l’époux en considérant que son remariage lui permet de bénéficier des ressources perçues par sa nouvelle épouse.

L’ONIAM invoque que les revenus de la nouvelle épouse doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique du conjoint survivant, en application du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’ONIAM et approuve les juges d’appel en considérant que les nouvelles ressources liées au salaire perçu par la seconde épouse du conjoint survivant résultent de la réorganisation de son existence et ne sont pas la conséquence directe du décès, de sorte qu’elles n’ont pas à être prises en compte pour évaluer le préjudice économique du conjoint survivant.

Ainsi, et contrairement à ce que soutenait l’ONIAM, les nouvelles ressources à disposition du conjoint survivant ne sauraient être considérées comme un enrichissement pour ce dernier justifiant la diminution de son indemnisation.

Le fait de constituer un nouveau foyer familial est donc sans incidence sur le droit à réparation du préjudice économique subi par le conjoint survivant, qui doit être calculé en se fondant sur les revenus de la famille antérieurement au décès.

Cette décision vient rappeler le principe selon lequel pour évaluer le préjudice économique subi par le conjoint survivant du fait du décès de son époux, « ne doit pas être pris en considération ce qui n’est pas la conséquence directe et nécessaire du décès » (Cass. 2e civ., 12 févr. 2009, n° 08-12.706, FS-P + B).

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Dans le prolongement de cet arrêt du 7 octobre 2020, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt récent du 16 juin 2022, que la prestation de compensation du handicap (PCH), perçue par un parent, en qualité d’aidant familial, pour les besoins en aide humaine de son fils, devait être considéré comme une ressource et être ainsi incluse, à ce titre, dans le revenu de référence du foyer servant au calcul du préjudice économique subi par les parents en raison du décès de leur enfant.

En l’espèce, un incendie est survenu dans un appartement occupé par un couple et ses deux enfants dont l’un d’eux était en situation de handicap.

A la suite de cet incendie, l’enfant handicapé est malheureusement décédé.

La famille, qui avait souscrit un contrat d’assurance « Garantie des Accidents de la Vie » auprès de la société BPCE assurances, sollicite une indemnisation, notamment au titre de leur préjudice économique résultant du décès de leur enfant.

En effet, la mère de famille avait cessé toute activité professionnelle pour s’occuper de son fils handicapé.

La Cour d’appel déboute les parents de leur demande indemnitaire au titre de leur préjudice économique, au motif que la cessation du versement de la PCH à la mère d’un enfant en situation de handicap accidentellement décédé et ayant fait le choix de ne pas travailler pour s’occuper de ce dernier en qualité d’aidant familial « ne saurait constituer un préjudice économique puisqu’elle n’avait pas vocation à contribuer à l’entretien de la famille » mais simplement à compenser les frais occasionnés par le handicap de l’enfant, tel que le financement de la tierce personne.

Les parents ont alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que « la prestation de compensation du handicap affectée au dédommagement de l’aidant familial, calculée sur la base d’un pourcentage du salaire minimum de croissance, doit être considérée comme une ressource de l’aidant, incluse dans le revenu de référence du foyer servant au calcul du préjudice économique des victimes indirectes ».

Ainsi, et contrairement à ce qui avait été retenu par la Cour d’appel, en cas de décès de la personne en situation de handicap mettant fin au versement de la PCH, la prestation de compensation du handicap doit être considérée comme une ressource pour le parent la percevant et doit, à ce titre, être incluse dans le revenu de référence du foyer permettant de calculer le préjudice économique des victimes indirectes.

Cet arrêt vient apporter des précisions sur les éléments qui doivent être pris en compte dans le revenu de référence du foyer, servant au calcul du préjudice économique des victimes indirectes.

Par conséquent, il ressort de ces deux jurisprudences que dans le calcul du préjudice économique en cas de décès :

Ne doivent pas être prises en compte les nouvelles ressources à disposition du conjoint survivant résultant de la réorganisation de son existence (tel que le salaire perçu par sa nouvelle épouse) ;

Doit être prise en compte la prestation de compensation du handicap qui doit être considérée comme une ressource pour le parent la percevant et qui doit ainsi être incluse dans le revenu de référence du foyer.

Charles JOSEPH-OUDIN et Margaux CATIMEL

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