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L’indemnisation du besoin d’assistance par tierce personne des victimes hospitalisées

6 mars 2023

    Le 8 février 2023, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a consacré l’indemnisation des victimes hospitalisées, confirmant un arrêt récent de la 2ème Chambre civile du 20 novembre 2021.
    Cass. 1ère Civ., 8 Février 2023, N°21-24.991.

      En 2021, la Cour de cassation avait étendu le droit à réparation de la victime hospitalisée à l’aide apportée par ses proches pour pallier sa perte d’autonomie dans les actes de la vie courante.

      Poursuivant en ce sens, la 1ème Chambre civile a donc cassé un arrêt de cour d’appel qui avait refusé l’indemnisation du besoin d’assistance par tierce personne des victimes hospitalisées.

      La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence justifiait ce refus par le fait que :

      L’hospitalisation tend en soi à suspendre les contraintes de la vie quotidienne du patient et à lui garantir un niveau élevé de sécurité : la rétribution supplémentaire d’une tierce personne pendant la période du déficit fonctionnaire temporaire total est donc sans objet.

      La Cour de cassation a jugé au visa de l’article L1142-1, II du Code de la santé publique que le rejet, par principe, de toute indemnisation de l’assistance par tierce personne pendant les périodes d’hospitalisation violait le principe de réparation intégrale du préjudice.

      Pour cela, elle a rappelé que l’assistance par une tierce personne

      ne se limite pas aux besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne.

      Par conséquent, les actes de la vie courante de la victime hospitalisée, pris en charge par des tiers aidants doivent être indemnisés au titre de l’assistance par une tierce personne.

      Cette décision présente une grande importance pour les victimes hospitalisée et leurs aidants, d’autant qu’elle est émise dans le cadre de la solidarité nationale. Ainsi, la Cour de cassation confirme que l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux non fautifs indemnisés par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), ne doit pas différer de celle des victimes d’accidents fautifs.

      Elle fait également preuve de réalisme dans la mesure où les victimes hospitalisées doivent tout de même accomplir certains actes du quotidien : elles doivent pouvoir bénéficier de leurs vêtements, propres, avoir accès à leurs activités d’agrément quand cela est possible (lecture, jeux de sociétés, etc.), elles peuvent avoir envie de bénéficier de véritables repas en dehors de ceux de l’hôpital…

      Il s’agit également de s’occuper de la vie administrative de la victime qui doit pouvoir continuer à s’acquitter de ses charges, il faut tenir informé son employeur, éventuellement mettre en place des actions auprès de la MDPH, de la sécurité sociale, contacter un avocat etc…

      Citons par exemple, l’hypothèse d’une victime grande brulée dont la gravité des lésions justifie une hospitalisation durant plusieurs mois, notamment en centre de réadaptation.

      Ces centres sont spécialisés et sont rarement proches des domiciles des victimes.

      Ainsi les proches de la victime peuvent faire plus de 100 km aller-retour, plusieurs fois par semaine pour se rendre à son chevet. Ces déplacements doivent être pris en compte dans l’assistance allouée.

      Et les proches restent souvent plus d’une heure sur place.

      Si l’hospitalisation dure 6 mois, que les proches se déplacent 3 fois par semaine, le calcul total pourrait donc correspondre à :
      – Nombre de déplacement : 3 fois/semaine x 4 semaine/mois x 6 mois : 72 déplacements
      – Déplacements : 72 déplacements x 100 km : 7 200 km
      – Durée de déplacement : 2 h x 72 : 144 heures
      – Présence : 1h x 72 : 72 heures
      Soit au total : 216 heures et 7 200 km.

      Toutes ces tâches prennent finalement un temps considérable pour les proches de la victime, sans compter le temps passé dans les transports pour se rendre entre l’hôpital, le domicile de la victime et leur propre domicile.

      C’est la raison pour laquelle la reconnaissance de ce besoin par le juge est fondamentale.

      Plus encore, cette reconnaissance devrait également passer par les experts interrogés sur l’évaluation des préjudices des victimes et ceux de leurs proches. En effet, ces médecins – souvent hospitaliers – ont tendance à considérer, à l’instar de la Cour d’appel, que les périodes d’hospitalisation correspondent à une prise en charge intégrale des préjudices de la victime.

      Il convient donc d’informer les experts judiciaires de ces nouveautés jurisprudentielles afin qu’ils puissent les intégrer à leurs évaluations. Pour cela, leurs missions d’expertise doivent être modifiées afin de faire explicitement référence à ce poste de préjudice « d’aide humaine y compris pendant les périodes d’hospitalisation ».

      Par ailleurs, cet arrêt revient sur l’appréciation par la Cour d’appel de l’indemnisation de deux autres postes de préjudice.

      D’une part, au visa de l’article 4 du Code civil relatif au déni de justice et du principe de réparation intégrale des préjudices, la 1ère Chambre civile rappelle que « le juge ne peut refuser d’évaluer un préjudice dont il constate l’existence ».

      Or, le juge d’appel avait rejeté la demande d’indemnisation de l’acquisition d’un bien immobilier aux motifs que la victime :

      ne justifie pas avoir saisi son bailleur social aux fins d’attribution d’un nouveau logement, que la surface de l’ancien logement n’est pas communiquée et que le devis concernant la maison n’en précise pas la commune de localisation.

      La Cour de cassation considère que la Cour d’appel, ayant constaté que le logement de la victime était inadapté, n’avait pas à solliciter que la victime choisisse la solution la moins onéreuse pour se reloger et fasse peser sur elle la production excessive de pièces injustifiées.

      D’autre part, et une fois de plus au visa de l’article L1142-1, II, cumulé au principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la 1ère Chambre a également cassé l’arrêt ayant limité les frais de véhicule adapté.

      La cour d’appel avait en effet refusé de prendre en compte, outre la nécessité d’avoir une boite automatique, la nécessité d’avoir un véhicule adapté aux fauteuils électriques, pourtant nécessaire à la victime selon l’expert.

      La Cour de cassation rend ici une décision favorable aux victimes d’accidents médicaux sur lesquelles elle refuse de faire peser une charge de la preuve démesurée dès lors qu’elles justifient du lien entre leurs demandes et la réalité de leurs préjudices.

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