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Essure : DOSSIER IMPLANT FILES, France Inter 29 novembre 2018

8 février 2019

Source : France Inter

« Je suis condamnée à vivre avec des fragments d’implant qui se baladent dans mon corps »

Nous avons rencontré Amélie*, quadragénaire porteuse d’un implant contraceptif qui a lourdement déréglé sa santé. Sauf que du côté du concepteur de cet implant, rien n’a jamais été prévu pour pouvoir le retirer en cas de problème… Comme d’autres femmes, Amélie a donc vécu un enfer pour s’en débarrasser.

Certaines femmes ayant reçu des implants contraceptifs ont vécu un enfer
Certaines femmes ayant reçu des implants contraceptifs ont vécu un enfer © Maxppp / Frédéric Cirou

Essure, sur le papier, c’était une idée géniale pour les femmes, souvent déjà mères, qui ne voulaient plus s’embarrasser de la pilule contraceptive et qui ne souhaitaient pas passer par une ligature des trompes. Ce petit implant en forme de ressort, imaginé par la start-up Conceptus puis commercialisé par le géant allemand Bayer, a permis une stérilisation « naturelle » de dizaines de milliers de femmes.

Problème : après la pose d’Essure, de nombreuses patientes ont décrit des effets indésirables, parfois graves. Sans jamais reconnaître le lien de cause à effet, Bayer a arrêté la commercialisation de son implant en Europe. En France, des femmes regroupées en association, ont initié des procédures judiciaires. Elles ont choisi un avocat spécialiste des scandales sanitaires, Charles Joseph Oudin, qui s’était déjà illustré contre le laboratoire Servier dans l’affaire du Médiator.

« Essure n’était pas conçu pour être explanté »

Derrière cette posture combattante, sur un terrain plus intime, certaines femmes nous ont décrit l’enfer qu’elles ont vécu en cherchant à se faire enlever ces petits implants en métal. Car il n’existe pas véritablement de procédé de retrait. Cela n’a pas été imaginé au moment de la conception d’Essure. Ce que nous a confirmé l’ancien directeur des ventes de la société Conceptus en France. « Ça m’a été dit de manière très claire quand j’ai pris la direction des ventes : Essure n’était pas du tout conçu pour être explanté », explique Alain Roettelé. « C’était aussi le discours très clair qu’on tenait aux professionnels de santé. C’est une implantation définitive. Sans réversion possible ! ».

Dès lors, qu’est-ce qui avait été prévu pour les femmes qui rencontreraient des problèmes avec leurs implants ? « En fait, on prenait le problème à l’envers : on faisait tout pour que les critères d’inclusion soient les meilleurs possibles, pour qu’il y ait le moins de soucis possible par la suite », répond Alain Roettelé. « On savait qu’il y avait de possibles allergies au nickel[principal composant de l’implant Essure, NDLR]. On demandait à nos médecins implanteurs de faire des tests en cas de suspicion d’allergie. _S’il y avait le moindre doute, il ne fallait pas poser Essure._« 

Une allergie non détectée au nickel. Voilà ce qui est pourtant arrivé à Amélie*, une quadragénaire habitant en Nouvelle-Aquitaine. Amélie s’est fait implanter Essure en janvier 2015. Moins de deux mois après la pose, son état de santé se dégrade sans qu’elle en comprenne la raison. Douleurs dans les jambes, dans le dos, Amélie a subitement du mal à marcher.

Les consultations chez l’ostéopathe n’y font rien. Son médecin traitant est dubitatif. Amélie souffre aussi de migraines, violentes. Ses règles sont de plus en plus abondantes et fréquentes (elle les a jusqu’à deux fois par mois). Elle ressent une immense fatigue, des troubles de la vision et de la concentration. Radios, IRM et scanners ne détectent rien d’anormal.

Chirurgie mutilante

Finalement, le médecin traitant d’Amélie fait le lien avec les témoignages, venus de l’étranger, de femmes porteuses d’implants Essure. « J’ai fait en urgence un test qui a révélé une allergie au nickel._À aucun moment avant la pose, le gynécologue ne m’avait proposé de faire ce test_« , peste Amélie. « Moi, j’étais toute confiante. Si j’avais su qu’il y aurait des complications et des effets secondaires aussi graves, qui ont entraîné une chirurgie mutilante comme l’hystérectomie [ablation de l’utérus, NDLR], je me serais tournée vers un autre moyen de contraception ! »

Face à l’évidence, Amélie décide de faire retirer ses implants. Le gynécologue qui les lui avait posés, se dit incapable de les explanter. La quadragénaire prend alors rendez-vous avec un autre professionnel qui pratique une salpingectomie, c’est-à-dire une ablation d’une trompe de Fallope.

Mais les symptômes d’Amélie persistent. Une radio confirme que quelques morceaux d’Essure sont toujours dans son corps. C’est donc une opération chirurgicale encore plus lourde qui est envisagée : une ablation totale de l’utérus. « L’hystérectomie, ça été un calvaire, raconte Amélie, la voix tremblante. Une épreuve supplémentaire à subir. »

Des fragments qu’on ne peut pas enlever

Malheureusement pour elle, ce n’est toujours pas la fin du cauchemar. Une radio de vérification décèle encore des micro fragments d’Essure dans le corps de la mère de famille. « On m’a clairement indiqué que ce serait trop risqué d’avoir recours à une nouvelle opération. Je suis donc condamnée à vivre avec ces petits fragments d’Essure qui se baladent dans mon corps !« , dit-elle, amère.

Mais les médecins positivent. Ces petits fragments de nickel vont finir par disparaître. Et les effets secondaires devraient se résorber. L’incompréhension d’Amélie, elle, n’est pas près de disparaître : « Comment a-t-on pu commercialiser un dispositif implantable qu’il n’était pas possible d’explanter ? Quand on voit les dégâts que ça a pu occasionner, ça pose quand même question… » Car le retrait d’Essure n’est pas sans danger. En 2017, une jeune maman est morte en France des suites d’une hystérectomie qui avait pour but de retirer son implant stérilisateur. Cet implant qui devait révolutionner la vie de certaines femmes.

*Son prénom a été modifié.